Avant de nous rendre en France et d’emménager à bord d’Oxalis Borealis, j’avais lu tout ce que je pouvais trouver sur l’espace Schengen et la limite de 90 jours de visite pour les détenteurs de passeports non européens. Il y a beaucoup d’information (et d’opinions!) sur le Web, mais malgré tous mes efforts, je n’ai pas trouvé de référence complète spécifiquement pour les marins. Mon objectif était de comprendre les règles exactes afin de pouvoir respecter la limite de 90 jours avant la traversée de l’Atlantique qui se fait à partir de Novembre après la saison des ouragans, ce qui n’est pas facile à faire si vous prenez votre bateau en France au début de l’été. En fait, j’écris ce blog depuis le Canada, alors que notre catamaran attend patiemment aux Canaries. Je ne suis pas fâché de rendre visite à ma famille et à nos amis, mais nous aurions dépassé notre limite de 90 jours si nous n’avions pas effectué cette visite de deux semaines à la maison avant notre traversée de l’Atlantique.
Je ne prétends donc pas fournir d’information officielle, surtout que celle-ci varie, même lorsqu’elle provient des autorités, mais voici un résumé complet de ce que nous avons appris:
Taxes sur la valeur ajoutée (TVA)
Tout d’abord, mentionnons clairement que les règles relatives aux visas Schengen s’appliquent aux personnes et non au bateau. Mais si, en tant que non-résident de l’UE, vous gardez votre bateau en Europe pendant plus de 18 mois, même s’il est immatriculé dans un pays étranger (le Canada dans notre cas…), vous devrez payer la TVA sur le bateau. L’avantage de cette règle, pour les non-résidents de l’UE qui souhaitent garder leur bateau longtemps en Europe, est que vous pouvez réinitialiser le délai de 18 mois en visitant un port non-européen. Nous avons rencontré des personnes au Maroc qui venaient d’y arriver pour cette raison même. Attention, la référence ici est le territoire de l’Union Européenne et non la zone Schengen. Gardez vos reçus de marina!
Les résidents de l’UE doivent payer la TVA sur les bateaux conservés en Europe… C’est donc ici que cela devient intéressant: Si, en tant que titulaire d’un passeport non européen, vous dépassez votre limite de séjour de 90 jours, êtes-vous un résident fiscal? Ou est-ce 180 jours? Même si tout ce que j’ai vu et entendu au cours des derniers mois de navigation en Europe me convainc que la plupart des fonctionnaires ne cherchent pas à pousser les règles à la limite, la possibilité existe et je ne prendrais certainement pas ce risque.
La limite de 90 jours… Définition
En résumé: vous pouvez rester dans la zone Schengen comme visiteur pour un total maximal de 90 jours au cours des 180 derniers jours. Il n’y a aucun moyen de réinitialiser cette horloge. Ayez un fichier Excel à cet effet et comptez vos jours. En plus de détails:
- Le tampon sur votre passeport constitue la date d’entrée du « visa de visiteur ». Même si vous faites partie des pays chanceux où vous n’avez pas besoin d’obtenir un visa officiel de visite à l’avance, on parle toujours de « visa » une fois que vous avez été admis.
- Les jours d’arrivée et de départ sont pris en compte dans le total.
- TOUS les jours entre les deux comptent… Même si vous êtes en mer. Par exemple, nous avons navigué des Açores vers la France au printemps pour acquérir de l’expérience en mer sur le bateau d’un ami. Nous avons été aux Açores moins de 24 heures. Nous avons dû nous rendre aux douanes, à l’immigration et aux autorités portuaires avant de partir. Mais ils ont refusé d’apposer une étampe à notre passeport parce que nous allions en France. Donc, bien que nous ayons passé 11 jours au milieu de l’Atlantique Nord, nous sommes restés techniquement dans la zone Schengen tout ce temps. Ainsi, lorsque nous avons récupéré notre catamaran en juillet, nous étions déjà handicapés avec tous ces jours dans la zone Schengen puisque c’était au cours des 180 derniers jours…
- Les timbres sont la seule preuve acceptée que vous n’avez pas dépassé vos 90 jours. Selon la rumeur, ils vérifieraient de plus près dans le nord et seraient plus détendus à mesure que l’on se déplace vers le sud, mais il y a des exceptions: Ils ont vérifié chaque page de notre passeport dans un port de l’Algarve, et aussi à notre arrivée dans les Canaries. Mais plus sur cela plus tard.
Obtenez vos timbres de passeport!
C’est la seule preuve réelle que vous êtes en règle. Petite histoire ici… Quand nous étions à Cadix, Espagne et allions en direction du Maroc, nous voulions que notre passeport soit estampillé en sortie de la zone Schengen. La personne à la marina nous a assuré que nous n’avions pas besoin de cachet de sortie, que nous devions simplement remplir le formulaire et que les autorités compétentes disposeraient de tout ce dont elles avaient besoin. Nous sommes dans leur pays, la personne à la marina voit des gens comme nous tous les jours, nous n’avons donc pas mis en doute les informations. Nous aurions dû car cela nous hante encore des mois plus tard: il nous manque un cachet de sortie dans notre passeport et nous avons dû recourir à de longues explications avec des fonctionnaires plus prudents. Heureusement, nous avons des timbres d’entrée au Maroc. Il est donc difficile pour les responsables d’insister sur le fait que nous étions toujours dans la zone Schengen.

Où puis-je aller pour prolonger la saison européenne de voile au-delà de 90 jours?
C’est relativement simple:
- Le Royaume-Uni, même si cela sera hors de portée pour la plupart d’entre nous qui visons généralement la Méditerranée et/ou les Canaries
- Gibraltar. Mais il n’y a pas d’officiels dans les marinas. Vous pouvez soit vous rendre à la frontière espagnole pour y être estampillé, soit demander une copie officielle (estampillée) du formulaire que la marina soumet aux autorités afin de conserver la preuve que vous étiez en dehors de la zone Schengen.
- Maroc. Les fonctionnaires sont présents aux points d’entrée et vous aurez des timbres d’entrée et de sortie (vous devez leur laisser votre drone pendant votre séjour là-bas…)
- La Tunisie, si vous pouvez convaincre votre compagnie d’assurance (elle nous l’a refusée)
- Croatie, mais cela peut être trop loin car le vent en Méditerranée souffle normalement trop, ou pas assez, ou dans la mauvaise direction. Nous y aurions été si nous avions quitté plus tôt dans la saison.
- Monténégro
- Albanie (peu d’infrastructures et beaucoup de bureaucratie à ce stade)
- Turquie (une destination de croisière populaire mais également refusée par notre assurance)
Évidemment, d’autres pays qui pourraient faire partie de la solution mais qui représentent un risque de sécurité doivent être exclus (Algérie, Libye, etc.). C’est une cible mouvante, mais les compagnies d’assurance ont tendance à être très claires à ce sujet.
Les journées que vous passez dans ces pays sont exclues du total des 90 jours, ainsi que les jours en mer avant et après.
Statut de transit
Vous êtes autorisé, n’importe où dans la zone Schengen, à être « en transit » au port (à condition de rester à moins de 10 km du port), sans que ces journées soient prises en compte dans la zone Schengen. Ces jours au port ne s’appliquent donc pas à votre maximum de 90 jours si vous étiez déjà hors de la zone Schengen. Le problème, c’est que ce statut n’est appliqué avec aucun niveau de cohérence et vous ne pouvez pas présumer que ce statut vous sera accordé. Vous pouvez donc espérer… mais vous ne pouvez pas planifier sans marge de sécurité. Voici où je pense que ce statut peut être obtenu avec un niveau de confiance relatif:
- A Ceuta (ou Melilla), si vous venez de Gibraltar ou du Maroc. Ceuta se trouve techniquement dans la zone Schengen, même si certains guides semblent indiquer le contraire. La différence est qu’il y a des contrôles à la frontière, ce qui n’existe pas entre les autres territoires de la zone Schengen. Je peux dire que lorsque vous vous enregistrez à la marina, il y a un formulaire d’inscription à remplir, ils ne tamponneront pas votre passeport et vous pourrez vous considérer en toute sécurité « en transit ».
- Les Canaries. Lorsque nous sommes arrivés à Arrecife, Lanzarote, la police nationale nous a donné le choix de ne pas être tamponnés et de rester à moins de 10 km du port, ce qui nous aurait donné plus de jours « en dehors de la zone » avant de nous rendre à Tenerife la semaine suivante. Mais nous avions déjà fait un plan qui incluait ces jours… et nous voulions visiter l’île (c’est magnifique), nous avons donc demandé un tampon d’entrée.
- J’ai entendu des rumeurs pour d’autres endroits où vous pouvez obtenir ce statut « en transit » sans trop vous disputer, mais cela reste toujours à la discrétion de l’agent des services frontaliers, et généralement lorsque vous êtes déjà considéré en dehors de la zone, soit à l’arrivée d’un port non-Schengen.
Dans tous les cas, assurez-vous toujours de transiter par un territoire non-Schengen avant de vous rendre aux Canaries (Maroc, Gibraltar), de sorte que vos 4 à 6 jours en mer vers les Canaries soient exclus du total. Les îles Canaries, Madère et les Açores font partie de la zone Schengen. Dans la mesure du possible, les passages de plusieurs jours devraient se faire à partir d’un pays non-Schengen ou vers un pays non-Schengen (avec un tampon avant de quitter Schengen).

Drapeau Jaune ou pas de drapeau Jaune?
En tant que bateau ne faisant pas partie de l’UE, vous devriez théoriquement afficher le drapeau jaune (« Q flag », historiquement: Quarantaine) sous le drapeau de courtoisie du pays jusqu’à ce que vous ayez été admis dans le pays. En pratique, vous n’avez pas besoin de le faire entre pays Schengen. Personne ne le fait. Vous devez afficher le drapeau Q lorsque vous entrez dans un pays non-Schengen ou que vous entrez de nouveau dans la zone Schengen (Maroc, Gibraltar, Tunisie, Croatie, etc.). Je recommande de l’afficher aux Canaries, où vous devez vous enregistrer auprès de la «Policia National».
Faut-il toujours entrer dans un nouveau pays par un point officiel d’entrée?
Lorsque vous entrez et sortez de la zone Schengen, absolument. Par exemple, lorsque nous sommes arrivés aux Canaries, de nombreux bateaux immatriculés dans l’UE se dirigeaient directement vers les mouillages. En tant que bateau non européen, nous avons dû sauter le joli mouillage et nous rendre directement à un point d’entrée… ce qui nous a ensuite donné le choix entre un retour difficile dans le vent NE dominant jusqu’aux ancrages que nous avions manqués ou les oublier et aller plus au sud et à l’ouest. C’est pourquoi nous avons jeté l’ancre à Papagayo (au sud de Lanzarote) au lieu de Playa Francesca (au nord) … nous devions d’abord nous enregistrer à Arrecife. En guise d’indicateur, nous avons eu la visite de la « Gardia Civil » tous les jours sauf un au mouillage. Il était donc judicieux d’éviter la tentation de ne pas suivre les règles.
D’un autre côté, nous aurions planifié notre voyage différemment si nous avions été prévenus de l’absence de formalité entre les pays de l’espace Schengen. Nous avions prévu aller directement à un point d’entrée officiel en Espagne et au Portugal, mais d’après ce que nous avons vu, il aurait été sans conséquence de ne pas viser un port officiel d’entrée.
Autres aspects…
- Patience avec les officiels! Réservez une demi-journée pour l’enregistrement et le départ et espérez que cela ira plus vite… Parfois, il faut marcher longtemps ou prendre un taxi pour se rendre au port, et il faut parfois expliquer en détail qui vous êtes et ce que vous faites sur un bateau… Et parfois, vous faites face à un officiel qui est passionné de bateaux ou de voyages et vous passez 2 heures ou plus à en parler avant qu’il déplace ses mains vers le tampon (ça nous est arrivé, c’était très agréable mais nous avions très faim et soif en sortant… apportez de l’eau et une collation au cas où!).
- Gardez tous vos reçus de marina. Préparez une feuille de calcul avec un décompte détaillé de vos jours d’entrée et de sortie de Schengen. Si vous rencontrez un problème (comme nous… nous avons fait confiance à un responsable qui nous a dit que nous n’avions pas besoin d’un tampon en Espagne), vous devez être en mesure de prouver où vous étiez et d’espérer un garde-frontière qui saura redresser la situation.
- À mesure que vous vous rapprochez du continent africain, vous vous sentirez observés, avec des bateaux et des avions militaires qui apparaissent de nulle part à cause des migrations irrégulières. Vous n’entendrez probablement jamais parler d’eux directement, mais ils savent clairement qui vous êtes et où vous vous trouvez, et ils viennent à distance visuelle pour confirmer. Avoir un émetteur AIS facilite leur travail et limite probablement vos interactions (non désirées) avec eux.
- Dans la plupart des endroits, ils considéreront qu’en tant que marin, vous avez un statut spécial et qu’un degré de flexibilité doit être accordé si, en votre qualité de capitaine, vous décidez de prolonger votre séjour car vous n’avez pas de fenêtre météorologique appropriée, etc. Aucune garantie… La plupart des officiels veulent vraiment vous aider, mais pas tous.
- Si vous quittez (et revenez) par avion pendant votre navigation dans la zone Schengen, assurez-vous de respecter la règle des 90 jours. Les fonctionnaires dans les aéroports ne sont pas aussi informés des exceptions s’appliquant aux marins. Dans presque tous les cas, ils examineront vos timbres et poseront des questions sur tout ce qui pourrait leur sembler un dépassement.
- Certains pays ont des accords antérieurs à l’accord de Schengen. Ces accords sont généralement appliqués en plus des règles de Schengen. Par exemple, en tant que Canadiens, nous disposons de 90 jours supplémentaires qui, en théorie, peuvent être ajoutés aux jours Schengen en France… Mais il ne sera possible de les réclamer que si vous quittez la zone Schengen à partir de la France.
- Vous pouvez demander une extension de visa, j’ai entendu parler de marins qui le font avec succès en Espagne et au Portugal. Mais c’est un processus complexe qui vous oblige à attendre longtemps au port pour votre extension. Vous devez avoir une preuve d’assurance maladie, d’indépendance financière, etc. Cette extension n’est valable que dans le pays où vous l’obtenez.
- Gibraltar, le Maroc et quelques ports de transit peuvent être la solution si vous commencez à naviguer au milieu de l’été avec une traversée de l’Atlantique prévue pour novembre. La Tunisie, la Croatie, le Monténégro ou la Turquie devraient également être pris en compte si vous arrivez en Europe au printemps ou au début de l’été, ou si vous voulez passer plus d’une saison en Europe.
En conclusion, même si vous entendez sans doute dire que des personnes naviguent et dépassent les limites de leur visa Schengen sans conséquence, je vous déconseille vivement de le faire. Les chances d’avoir des ennuis sont réelles (ils vérifient, parfois très soigneusement, on ne sait jamais quand). Les règles peuvent être complexes et parfois obscures, ce qui justifie une gestion conservatrice.
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